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9 février 2012

Les Anglomaniaques ridicules : Molière en aurait fait son miel
































Peut-on, de nos jours, imaginer qu'il existe une seule personne dans le monde qui, visitant la France, ne sache pas lire et comprendre le mot "restaurant"?
Peut-on trouver un seul guide touristique qui ne comporte pas le glossaire de survie : où sont les cabinets ? à quelle heure part le train ? un bon restaurant ?
Ce n'est est sans doute pas ce que pensent certains cafetiers versaillais, à moins qu'ils ne cèdent à l'orgueil d'étaler leurs immenses connaissances linguistiques.
Les cartes et menus affichés sont déjà moins prétentieux, le français y règne en maître absolu. Le test suprême consistant à interpeller un serveur, voire le patron, dans une langue étrangère, peut conduire à quelques déconvenues.
Il n'est pas aisé d'établir le palmarès du ridicule, tant la concurrence est rude.

Pour l'attribution du grand bonnet d'âne, nous inclinerions en faveur d'un établissement du parc du Château qui décline le mot "restaurant" en pas moins de trois langues, trois langues où ce mot est quasiment identique. Encore plus fort, on explique "salon de thé" par "tea room" et "salon de té", au cas où...
Un exemple atterrant de sottise s'affiche sur la rive est de la place d'Armes, narguant Louis XIV, lui que les souverains de toute l'Europe cherchaient à imiter en commençant par parler la langue française. Ce café associe pompeusement le mot "lounge" et le mot "club". Un club est un lieu de rencontre et de détente très fermé pour familles aisées. On ne pénètre dans un club que si l'on en est membre ou invité. Le tenancier aurait-il l'intention d'exclure la plèbe de sa clientèle ? Un lounge est une salle d'attente. Un lounge bar - c'eût été un titre possible pour un débit de boisson - est, dans certains pubs, un salon plus confortable et plus cher que le public bar, mais la décoration du bistrot en question est loin du compte si l'on prend pour référence, par exemple, le lounge bar du Dorchester à Londres. L'apposition de lounge avec club est donc une combinaison grotesque de barbarisme et de solécisme.
Dans une rue heureusement peu passante, vous pourrez découvrir une enseigne sur laquelle l'adjectif féminin français "royale", qui n'est en aucun cas un mot anglais, langue dans laquelle il ne prend jamais de "e" final, est accolé au nom anglais "factory" qui signifie usine. Il existe en français le mot factorie ou factorerie, tombé en désuétude, qui désignait une maison de commerce à l'étranger. Si les propriétaires persistent à trouver du génie à leur étrange enseigne et souhaitent en conserver la musique, nous leur recommandons de la rendre au moins correcte quant à la forme et leur proposons, en français : Royale Factorie, en anglais : Royal Factory.
Comment voulez-vous, devant de telles âneries étalées en public, que nos écoliers s'y retrouvent.

Nous avons également été sidéré de découvrir sur la porte vitrée d'un estaminet d'où l'on peut voir, en biais, le Château, une petite pancarte accrochée par une chaînette à un crochet-ventouse, sur laquelle était écrit OPEN. Merci au tenancier d'informer le chaland. Son établissement est tellement lugubre et désert qu'on se serait plutôt attendu à "fermé pour cause de décès". Il aurait écrit OUVERT que cela n'aurait pas fonctionné plus mal.

Pourquoi les ardents défenseurs de notre patrimoine, si prompts à livrer bataille pour la conservation des chasses royales, immeubles anciens, statues, jardins, perspectives, etc. négligent-ils à tel point cette composante inestimable de notre patrimoine qu'est notre langue et pourquoi restent-ils aveugles aux grands périls qu'elle court ? Il suffirait de changer nos affiches et nos enseignes qui ne sont pas en français, ce serait moins cher et plus efficace que de tenir des colloques.
Nous soutenons sans partage le slogan ACHETEZ VERSAILLAIS des commerçants versaillais . Mais ne seraient-ils pas bien avisés, ces commerçants versaillais, plutôt que de salir le paysage avec des enseignes angloïdes qui multiplient les barbarismes et les solécismes, de prévoir dans leur boutique un personnel gentiment polyglotte pouvant utilement communiquer avec des chalands étrangers : anglais, allemand, espagnol, trois mots aimables en chinois et en japonais.
Enfin, sur le terrain actuellement très fertile de la bien-pensance, du politiquement correct, du multiculturalisme, de la lutte contre l'exclusion, etc. etc., n'est-ce pas une insulte faite à tous nos roumains, moldaves, afghans, et autres subsahariens détenteurs d'un visa touristique, qui maîtrisent modérément le français, que de ne pas traduire "restaurant" et "salon de thé" dans leur langue maternelle, à égalité avec les touristes apporteurs de dollars ? La seule solution à ce problème moral et politique est de rétablir l'exclusivité du français chez nous.
C'est également la seule solution si l'on désire trouver de bonnes raisons pour combattre l'apparition, bientôt, dans notre douce France aux racines chrétiennes, d'enseignes et de placards écrits autrement qu'en caractères latins.

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