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30 décembre 2016

Notes de lecture - La France périphérique, comment on a sacrifié les classes populaires - Christophe Guilluy
















Le livre du géographe  Christophe Guilluy a été publié en 2014 (Flammarion, collection Champs actuel) et a suscité la controverse. Il dresse le constat de l’exode, sous l’effet de la mondialisation, des classes populaires fragiles (il définit un indice de fragilité) constituées surtout de « petits Blancs » vers la périphérie des métropoles qui, elles, sont mondialisées et « gentrifiées ». Le néologisme « gentrification » (de gentry = petite noblesse) désigne le phénomène d’embourgeoisement urbain par lequel les classes aisées s’approprient l’espace initialement occupé par les classes peu favorisées. On aura reconnu, entre autres, la boboïsation. Ce qu’il appelle la périphérie se distingue de la banlieue, cette dernière étant souvent rattachée à la métropole par son indice de fragilité favorable et souvent occupée majoritairement par des immigrés. La France périphérique comprend l'espace rural.

L’auteur observe la pratique du « vivre ensemble séparé » propre à tous les milieux, qui partagent sans exception l’angoisse d'être ou de devenir minoritaire, déterminante de leur comportement. Il identifie les « frontières invisibles » et les « stratégies d’évitement » qui en découlent. La « mixité » est un vain mot incantatoire, personne n’en veut.

La classe politique dirigeante, dans laquelle cette France périphérique n’est plus représentée depuis longtemps, a peu conscience de l’abîme qui l’en sépare. Lors des élections, la France périphérique, dont l’auteur estime qu’elle représente 34 000 communes (90%) et 61 % de la population, vote volontiers FN ou s’abstient.

Tout cela fait un livre éclairant, de faible volume, sans grands mots. La définition de la méthode en début et le glossaire à la fin, figures obligées pour ce genre d’ouvrage, laissent sa place à un exposé de lecture aisée. Accessoirement, le Versaillais pourra se reconnaître parmi les typologies sociales décrites.

Une anecdote révélatrice est citée vers la fin. L’auteur dit souvent raconter, à l'occasion de ses enquêtes de terrain dans le milieu maghrébin et subsaharien, la parabole d’un village qui accueille positivement une famille immigrée. Celle-ci s’installe, les parents trouvent un emploi, les enfants sont scolarisés. Elle vit en bonne harmonie. Elle fait venir un frère et sa famille. Tout se passe bien. Ils font ensuite venir des cousins. Puis ce sont des amis de leur pays d’origine, qui eux-mêmes en font venir d’autres. Et là les choses se gâtent, le village les rejette. L’auteur demande : "où se trouve, à votre avis, ce village ?". Réponse des auditeurs : "c’est un village du sud de la France, dont les habitants sont des racistes". Eh bien non. Il s’agit de l'histoire vraie d’un village de Kabylie qui avait accueilli au départ une famille chinoise [ L’Algérie compte 40 000 Chinois – NDLR].

Ce livre serait, paraît-il, sur la table de nuit de plusieurs hommes politiques influents.

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