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30 juillet 2018

80 km/h : illustration du concept d'acceptabilité


Pour ceux qui l'ont expérimentée et qui sont de bonne foi, la baisse de la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h en vigueur depuis le 1er juillet ne représente pas le bouleversement cosmique annoncé.

Pourtant, cette mesure est très mal acceptée.
C'est un parfait exemple du concept d'acceptabilité (que nous avions pointé, sans grand succès, lors des questions au maire d'une précédente assemblée générale de l'association deBange-Houdon).
Il s'agit d'une mesure d'intérêt général. Tous les usagers de la route sont impactés, tous les usagers de la route sont supposés bénéficiaires. La mesure est parfaitement rationnelle eu égard à l'objectif de diminuer les accidents de la route, quoiqu'en dise le peuple. Les inconvénients objectifs (notamment durée de trajet augmentée) sont assez dérisoires, quasi imperceptibles. Elle est pourtant très mal acceptée. Son niveau d'acceptabilité est faible.
Sur le sujet décidément épidermique de la voiture (la sacro-sainte bagnole, symbole de liberté et objet de nos fantasmes), rappelons-nous  les mesures de 1973 qui ont connu un faible niveau d'acceptabilité à l'époque. L'obligation du port de la ceinture de sécurité : on prédisait des morts par strangulation lors des accidents de la route. Et la limitation de la vitesse sur autoroute : on prédisait des accidents par endormissement du conducteur. C'est aujourd'hui entré dans les mœurs.
On peut distinguer deux cas.
D'abord le cas d'une mesure qui contraint un petit nombre au bénéfice d'un grand nombre. Par exemple, une mesure d'expropriation pour faire passer une autoroute ne devient acceptable par l'exproprié qu'au prix d'un dédommagement. Mais le concept d'acceptabilité n'a pas grand sens ici parce que le grand nombre n'en a cure.
Quand une mesure contraint tous au bénéfice de tous. C'est différent. On s'interrogera sur le cas du code de la route et de la loi en général.
Un cas intermédiaire peut être illustré par la réforme des retraites qui contraint certaines corporations accrochées à leurs "acquis". Ceux qui vont perdre leurs avantages sont nombreux et considèrent que la mesure est inacceptable. Les autres, la majorité, considère que ce n'est que justice. Cela devrait se régler en réservant la réforme aux générations futures. Néanmoins, pour des raisons d'égoïsme corporatiste, l'acceptabilité par les impactés pose un problème.

Il est intéressant de noter que les mesures contraignantes qui touchent à la santé publique connaissent une faible acceptabilité. Les individus ont le sentiment que la probabilité est très faible pour qu'ils soient touchés par le risque dont on vise la réduction statistique.
Ci-dessous quelques exemples, dont certains visiblement absurdes, pour illustrer ce comportement :
  • limiter la vitesse sur les routes à 10 km/h pour réduire encore les accidents de la route : inacceptable ;
  • prohiber totalement l'alcool pour éliminer les accidents, les maladies et la mortalité dont il est la cause : inacceptable ;
  • interdire totalement le tabac pour éliminer les graves et coûteuses maladies dont il est la cause : inacceptable ;
  • interdire toute baignade pour éliminer les noyades : inacceptable ;
  • interdire l'accès à la montagne pour éliminer les accidents de randonnée, d'alpinisme et de ski : inacceptable ;
  • interdire la vente libre des armes à feu pour diminuer les homicides : inacceptable aux Etats-Unis.
Le plaisir procuré par les activités dangereuses l'emporte totalement sur leurs conséquences. Jusqu'au jour où…

Et que dire des grèves de nantis, de pilotes d'avion, de conducteurs de TGV, etc ? Elles sont inacceptables et les grévistes n'ont aucun doute là-dessus. On est dans une logique de capacité de nuisance et de rapport de force, où l'acceptabilité n'a rien à faire.

Quant aux principes écologiques visant à sauver la planète, leur acceptabilité est très haute. Le seul problème est que peu nombreux sont ceux mettent leurs actes en conformité avec les principes auxquels ils adhèrent, voire qu'ils professent. Après nous le déluge. Ou alors, qu'importe la bouteille en plastique que je jette dans la mer, elle est insignifiante.

Les responsables politiques font constamment, souvent sans le savoir et encore moins en les nommant ainsi, des estimations de l'acceptabilité des mesures qu'ils envisagent de prendre. Souvent ils se trompent.



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