Centrale de Civeaux © EDF |
Avec 19 centrales nucléaires et 56 réacteurs actifs en 2020, la France est au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis. La France dispose du parc nucléaire le plus important au monde par rapport à sa population.
Le fil chronologique présenté ci-dessous a été élaboré à partir d'informations piochées aux meilleures sources, lesquelles sont multiples : EDF, IRSN, ASN, CNE, CNP, CSFN, revues techniques et scientifiques, grandes entreprises, presse, etc.
Les buts recherchés sont : baliser les grandes étapes, les tournants et les retournements du développement du nucléaire civil en France au gré des évènements majeurs, mettre en lumière des choix politiques dogmatiques mal inspirés générant de fâcheuses conséquences et suivis de corrections tardives.
Cet article est associé à celui du 19 février 2022 dans ce blog, intitulé "L'avenir du nucléaire selon EDF".
1951 - mise
en service d'OBNINSK (à 100 km de Moscou), première centrale
nucléaire au monde à être raccordée au réseau électrique, puissance 5 MW, graphite
eau, prototype des réacteurs RBMK (Reaktor
Bolshoy Moshchnosti Kanalnyi).
1959 – mise
en service de MARCOULE (département
du Gard), première centrale de France, plusieurs réacteurs graphite gaz ;
G2 39 MW 1959, G3 40 MW 1960, Phénix 130 MW 1974.
1973 - PREMIER CHOC PETROLIER - Guerre du Kippour.
1978 – mise
en service de FESSENHEIM (département
du Haut-Rhin), deux réacteurs REP (Réacteur à Eau Pressurisée) sur le modèle de
la centrale de Beaver Valley, Pensylvania, l’eau pressurisée sert à la fois de
modérateur et de caloporteur, puissance 2 x 900 = 1 800 MW.
1979 - DEUXIEME CHOC PETROLIER - Chute du shah d'Iran
1986 – ACCIDENT DE TCHERNOBYL le 26 avril 1986. Cette centrale (à 100 km de Kyiv, Ukraine) est prévue comporter 6 réacteurs RBMK de 1 000 MW chacun, les 4 premiers et qui seront les seuls sont mis en service entre 1977 et 1983. L’accident touche le réacteur numéro 4. Il causera entre 60 et 3 000 décès. C’est la plus grande catastrophe nucléaire civile à ce jour. Le réacteur endommagé a été recouvert d’un sarcophage provisoire de béton par les Russes en 1986, bientôt dégradé. Une arche définitive d’un poids de 36 000 t, d’une durée de vie de 100 ans, a été construite par-dessus entre 2009 et 2016 par le groupement Novarka (Vinci – Bouygues).
Tchernobyl - l'arche en position sur le sarcophage du réacteur n°4 |
1988 - CIVEAUX (département de la Vienne) début de la construction de deux réacteurs REP de 1 495 MW chacun, Civeaux 1 mis en service en 1997, Civeaux 2 en 1999. Dernière installation nucléaire construite en France, suivie d'une longue pause jusqu'à Flamanville 3 dont la construction débute en 2007. Cette pause provoquera une regrettable perte de compétences.
2007 – FLAMANVILLE 3, début de construction de la tranche 3, qui est un EPR de 3e génération, puissance 1 630 MW (Evolutionary Power Reactor, type de réacteur de la filière à eau pressurisée, conçu et développé, dans les années 1990, par la société NPI (Nuclear Power International), détenue à parts égales par Framatome SA et Siemens KWU) s’ajoutant aux deux premières tranches en service en 1986 et Flamanville 2 mise en service en 1987, toutes deux EPR d’ancienne génération de puissance 1 330 MW chacun. Flamanville 3 connaît de nombreux déboires techniques pendant sa construction entraînant des retards et des surcoûts très importants. La mise en service est actuellement prévue en 2023. Les difficultés sont imputées par EDF à la perte de compétences depuis Civeaux résultant d’une pause de vingt ans dans la conception et la construction de centrales nucléaires en France.
2008 - TROISIEME CHOC PETROLIER - Surcroît de demande.
2011 – ACCIDENT DE FUKUSHIMA le 11 mars 2011. Cette centrale (à 250 km au nord de Tokyo) comporte 6 réacteurs REB (Réacteur à Eau Bouillante) pour une puissance totale de 4 700 MW, mis en service entre 1971 et 1979. C’est un tsunami qui a provoqué la submersion de la centrale et la mise hors service du refroidissement entraînant l’accident nucléaire. Toute la région a été dévastée par le tsunami provoquant de nombreux décès mais aucun décès par radiation, même à long terme, n’a été constaté. L’accident aura des répercussions mondiales par renforcement des mesures de sécurité sur les centrales existantes et en projet. Les antinucléaires veulent ignorer que l’origine du sinistre est une catastrophe naturelle, et cela aura une influence décisive sur l’opinion publique et les décisions politiques visant l’arrêt de la production d’électricité d’origine nucléaire.
2011 –
PROMESSE DE HOLLANDE DE FERMER FESSENHEIM. Le 19 novembre 2011, à quelques mois de l’élection
présidentielle, le Parti Socialiste et Europe Ecologie-Les-Vert se concertent
pour former, en cas de victoire de la gauche, une coalition à l’Assemblée
nationale. Ils concluent un accord prévoyant la « fermeture progressive de
vingt-quatre réacteurs » (sur un total de 58 à l’époque) d’ici à 2025, dont «
l’arrêt immédiat de Fessenheim ». Après son élection, François Hollande promet que la centrale de Fessenheim fermera à la fin de
l’année 2016, dès la mise en service de l’EPR de Flamanville.
2015 – LOI DE TRANSITION ENERGETIQUE. La loi no 2015-992 du relative à la transition énergétique pour la croissance verte, aussi dite de manière abrégée « loi de transition énergétique » ou « loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte » est une loi proposée en 2014 par le gouvernement français via la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, et présentée comme une loi « d'action et de mobilisation ». Cette loi fixe les grands objectifs d’un nouveau modèle énergétique français, dans le cadre mondial et européen (la loi « contribue à la mise en place d’une Union européenne de l'énergie »). Elle vise aussi à encourager une « croissance verte » (100 000 emplois espérés sur 3 ans) en réduisant la facture énergétique de la France et en favorisant des énergies dites « nouvelles », propres et sûres. Elle comporte aussi des dispositions favorisant l'économie circulaire et une meilleure gestion des déchets.
La loi du 17 août 2015 instaure un plafond de la puissance installée, désormais plafonnée à 63,2 GW. Dès lors, la mise en service de nouveaux réacteurs est conditionnée à l'arrêt préalable de réacteurs plus anciens. La loi fixe également un objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité.
En outre, si l'énergie nucléaire est une
énergie décarbonée, elle n'est pas renouvelable car elle utilise l'uranium
comme combustible. La Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE) 2019-2028 prévoit ainsi la
fermeture de 14 réacteurs nucléaires.
2017
– PROMESSE DE MACRON DE FERMER FESSENHEIM. Pendant sa campagne pour la présidentielle Macron confirme
que la fermeture de Fessenheim sera liée à la mise en service de Flamanville.
2019 – DECLARATION DE MISE
A L’ARRÊT DEFINITIVE DE FESSENHEIM déposée
le 27 septembre 2019.
Rappelons
que la centrale appartient pour 67,5 % à EDF et pour 32,5 % à des
groupes allemands et suisses (EnBW, Alpiq, Axpo et BKW). Avec l'accord de tous
les actionnaires, EDF a engagé des travaux afin de porter la durée de vie
de la centrale à cinquante ou soixante ans.
Rappelons
que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) considère qu'il n'y a pas de risques
justifiant l'arrêt de l'exploitation de la centrale et qu’elle a donné son
accord à la poursuite de l'exploitation de la centrale pour dix ans
supplémentaires, en 2011 pour la tranche 1et en 2013 pour la tranche 2, sous
réserve que soient réalisés les travaux tirés des enseignements de Fukushima.
Rappelons
que l’autorité de sûreté nucléaire américaine (NRC) a accordé des
renouvellements de licence jusqu’à 60 ans pour 81 réacteurs sur les
99 en service dans le pays, dont la centrale de Beaver Valley qui est la
centrale de référence de Fessenheim.
2019 – ABANDON DU PROJET ASTRID. Il a été décidé en août
2019 de reporter « à la fin du siècle » le projet ASTRID (Advanced
Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), dont l’objectif
était de déployer sur le territoire national des réacteurs de quatrième
génération, dont aucun pays n’est actuellement doté. Annoncé par le
Commissariat à l’énergie atomique au début des années 2010, ASTRID avait pour
objectif d’initier un nouveau prototype de réacteur nucléaire à neutrons rapides utilisant le
sodium comme liquide de refroidissement. Le lieu de déploiement avait
d’ailleurs déjà été trouvé, en la centrale nucléaire de Marcoule, dans le Gard.
Un projet d’autant plus ambitieux qu’il aurait permis à la France de se doter
d’un des tous premiers réacteurs de quatrième génération. Ces
derniers ont pour objectif d’imaginer les centrales de demain, plus économes,
plus sûres et produisant moins de déchets.
Projet de réacteur ASTRID © TRACTEBEL |
2020 – FERMETURE EFFECTIVE DE FESSENHEIM. Le
réacteur 1 est fermé le 22 février 2020 alors que la mise en service de Flamanville
3 est encore très lointaine (prévision actuelle 2023). Le réacteur 2 est fermé
le 30 juin 2020.
2021 – PLAN FRANCE 2030. Dans le plan "France
2030", présenté le 12 octobre, le président Macron a annoncé la
construction de "SMR", des réacteurs modulaires nouvelle génération,
devant, selon lui, faire émerger en France d’ici à 2030 des réacteurs
nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des
déchets. Il a annoncé qu'une partie des 30 milliards d'euros
d'investissement prévus par le plan France 2030, allait être allouée à la
sûreté du nucléaire et à la réduction des déchets.
2022 - GUERRE EN UKRAINE. L'invasion le 24 février 2022 de l'Ukraine par la Russie provoque des perturbations majeures sur le plan énergétique. Certains pays découvrent qu'ils sont lourdement dépendants du gaz fourni par la Russie et qu'ils n'ont peut-être pas été bien inspirés en fermant leurs centrales nucléaires. D'autres comprennent enfin que le nucléaire est totalement décarboné et que l'éolien et le solaire nécessitent des centrales à gaz ou a charbon pour pallier leur intermittence. Les prix s'envolent. On prend brutalement conscience des conséquences de la dépendance énergétique. La production maintenue de Fessenheim aurait permis de couvrir un tiers des achats d’électricité au prix fort actuellement nécessaires .
Voir également dans ce blog, sur le même thème mais sous des titres différents, les articles du 19 février 2022, 14 octobre 2021, 26 mai 2021, 24 août 2020, 20 juin 2020 et 23 février 2020.
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