A Versailles, déroulé habituel des cérémonies, avec affluence plus élevée que d'habitude : dépôt de gerbes et Marseillaise aux carrés militaires du cimetière des Gonards, messe à la cathédrale célébrée par Monseigneur Luc Crepy évêque de Versailles, défilé de la cathédrale à la mairie, discours, musique militaire et dépôt de gerbes au monument aux morts, discours du maire François de Mazières et pot à l'hôtel de Ville.
Les Malgré-nous
Le traditionnel message du ministre des Armées et des Anciens combattants (pour le moment Mme Catherine Vautrin) a été lu dans toutes les cérémonies devant nos 35 000 monuments aux morts. Dans ce texte, élaboré par un gratteur de discours patenté, aux accents patriotiques de circonstance et au lyrisme exalté, une petite phrase vers la fin revêt une grande importance, sans doute passée inaperçue : "...En lui [le soldat inconnu] se mêlent leurs visages venus de tous les horizons...Ceux des incorporés de force alsaciens et mosellans, pris dans le drame intime de leur conscience....". Cette mention va de pair avec l'inauguration d'une plaque aux Invalides par le président Macron, ce même jour 11 novembre 2025, 80 ans après la fin de la guerre. C'est le fruit bienvenu de la frénésie mémorielle actuelle du président. Mieux vaut tard que jamais.
Dans l'histoire récente, l'Alsace et la Moselle ont été par deux fois annexées au Reich allemand et totalement assujetties sur les plans administratif et culturel : entre 1871 et 1919, puis entre 1949 et 1945. Ceci a impliqué notamment l'incorporation de force dans les armées du Reich des Alsaciens et Mosellans considérés comme citoyens allemands et leur participation, côté allemand, à la première et à la deuxième guerre mondiale.
Les gratteurs de discours, ceux qui signent ces discours, ceux qui les lisent ou les écoutent ainsi qu'une grande partie de la population, sont pour la plupart, parce que pétris de certitudes en raison inverse de leur ignorance, prompts à dire où sont le bien et le mal, et pensent souvent que, plutôt que d'obtempérer, il suffisait de refuser ou déserter et que c'est en tous cas ce qu'ils auraient fait eux-mêmes, bien sûr. On a à faire à des trompe-la-mort d'après la bataille. La réalité était autre, avec des contraintes fortes telles que la responsabilité collective des familles - die Sippenhaftung - entraînant d'implacables représailles en cas de rébellion ou de défaillance. Sous le régime nazi du 3e Reich, ces soldats, jugés peu fiables et moins précieux que ceux de la race pure, ont été envoyés sur le front de l'est, au sein de la Wehrmacht et de la Waffen SS. Voilà pour "...le drame intime de leur conscience...."
Le nom "Malgré-nous" est apparu dans les années 40. Ils ont été 135 000 des classes d'âge comprises entre 1908 et 1921, dont 40 000 sont morts. Ceux qui, sous uniforme allemand, ont été fait prisonniers par les Russes, ont été internés dans le sinistre camp de Tambov à 500 km de Moscou, d'où ils ont tardé à être libérés après la fin de la guerre.
Ce que ne dit pas le discours de Mme Vautrin, c'est qu'il faut ajouter à ces 135 000 Malgré-nous les 15 000 "Malgré-elles" réquisitionnées de force sous le statut de RAD (Reichsarbeitsdienst) ou KHD (Kriegshilfsdienst), pour servir dans les hôpitaux militaires, la défense anti-aérienne, les services administratifs et les usines d'armement. Ce sont les oubliées de l'histoire. La mise en valeur des femmes est pourtant en faveur dans la communication officielle d'aujourd'hui (jusqu'à l'intention d'ajouter le mot Femmes aux à celui de Grands Hommes sur le fronton du Panthéon, selon le souhait délirant de l'ex-première ministre Borne).
Il reste que cette incorporation de force est tragique, qu'elle a suscité la suspicion, la honte, et que les familles se sont enfermées dans le silence. Il faudra attendre 1982 pour obtenir une reconnaissance officielle des Malgré-nous et leur ouvrir des droits.
Au mémorial d'Alsace-Moselle de Schirmeck (Bas-Rhin) on trouve une documentation consistante sur le sujet et un "mur des Malgré-nous" sur lequel sont gravés les noms de leurs disparus.
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15 000 Malgré-elles
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