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22 mars 2020

Les prophètes du passé - leur grand retour à l'occasion du coronavirus

Le titre « Les prophètes du passé » du célèbre pamphlet de Jules Barbey d’Aurevilly, paru en 1851, est détourné ici pour les besoins de la cause.
Les catastrophes suscitent immanquablement des avis de grands experts sur ce qu’il aurait fallu faire.
Cette affaire de la plus haute importance qu’est l’actuelle pandémie de coronavirus ne déroge pas à la règle.
Il est infiniment plus facile - et surtout moins risqué - de s’ériger en censeur et donneur de conseils lorsque l’histoire est déjà écrite, ses conséquences connues ou partiellement connues, et qu’on peut tranquillement inventorier les erreurs commises par ceux qui avaient à décider en indiquant sentencieusement les corrections qui auraient conduit à un meilleur résultat.
Parmi les prophètes du passé qui se pressent sur les plateaux, dans les studios et qui noircissent des pages de journaux on trouve de tout : politiques pas toujours très connus, professeurs de virologie et d’épidémiologie poussés après la pluie, journalistes qui se copient les uns les autres. Leurs « Y’avait qu’à » et « Fallait que » nous laissent la mandibule pendante tellement nous admirons leur profonde clairvoyance. Comment ceux qui nous gouvernent ont-ils pu négliger le concours de telles compétences ? Pour être honnête, on trouve aussi de temps en temps des commentateurs sérieux et modestes.
Il est en revanche bien utile de faire des investigations pour rétablir les faits. Ainsi, en 2011, il y avait près d’un milliard et demi de masques : 600 millions de masques FFP2 (pour les professionnels de santé) et 800 millions de masques chirurgicaux (pour toutes les autres professions en contact avec le public : chauffeurs de bus, policiers, caissières, éboueurs...). Cette année-là, Xavier Bertrand est ministre de la santé et la France possède le plus gros stock au monde. 
En 2012, François Hollande s’installe à l’Élysée. Marisol Touraine est nommée à la Santé. Et en 2013, le 16 mai exactement, le secrétariat général de La Défense et de la sécurité nationale change la doctrine pour la protection des travailleurs. A noter que Jérôme Samuel, actuel directeur de la santé, était à l’époque le conseiller de la ministre Touraine. Tout bascule à ce moment-là. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault décide alors que l’Etat ne s’occupera plus que des masques fpp2 pour les professionnels hospitaliers, et qu’il abandonnera la gestion des autres masques chirurgicaux aux employeurs des autres professions en contact avec le public. C’est ce qui est écrit dans un rapport du sénateur Francis Delatre. Au fil des années, le stock stratégique a été utilisé sans avoir été renouvelé. C’est ce qui explique le manque cruel de masques et la panique politique.
Une grande question n’est toujours pas tranchée : faut-il réserver les masques aux personnes saines pour les protéger ou aux personnes malades pour qu’elles n’infectent pas les saines ? Le problème semble avoir été fabriqué de toutes pièces pour diminuer l'impact de la scandaleuse pénurie, car il faut bien des masques pour tous. Si c’est pour tous il en faut plus. Quelques pays prévoyants et disciplinés (Chine, Taïwan, Corée du Sud, Singapour, etc.) ont procédé ainsi avec succès.
Enfin, bien que l’heure ne soit pas à la l'ironie et que le virus tue plus que le ridicule, que dire sur cette lamentable pantalonnade de l’hôpital militaire de trente lits sous tente de Mulhouse. Cela fait dix jours qu’on l’annonce pour le lendemain et il n’est toujours pas opérationnel. A la télé on voit de gentils bidasses tourner en rond à la recherche des piquets de tente. S’il y a une raison sérieuse, pourquoi ne pas la dire ? La réputation de l’armée mérite mieux.

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