10 décembre 2017

L'aristocrate raffiné et la vieille canaille s'en sont allés

© Le Canard Enchaîné
Jean d’Ormesson est mort le 5 décembre. Johnny Halliday le 6.
L’aristocrate espiègle, au savoir-vivre exquis, homme de lettres, était-il si différent de l’enfant de la balle, biker frimeur, rocker d’exception ?
Etincelles de la pensée et feu des chansons sont des dons également crépitants.
Tous deux avaient un regard fascinant. Les yeux sont les fenêtres de l'âme.
Tous deux étaient de droite, chacun dans son style, avec constance, mesure et détermination.
La disparition simultanée des deux célébrités a eu un grand retentissement en France, sans que l’une efface l’autre.
Des cérémonies funèbres remarquables ont donné lieu, dans l’un et l’autre cas, à de beaux discours – comprendre : des discours beaux, des éloges funèbres inspirés et qui ont ému -. Ceux d’Emmanuel Macron et de Jean-Marie-Rouard pour Ormesson. De Philippe Labro et de Daniel Rondeau pour Halliday (Macron moins à l’aise avec les bikers qu’avec les académiciens).
Tous deux étaient catholiques. Mais on a vu de plus pratiquants. Le premier, qui n’était pas croyant mais aurait aimé l’être, gai et amoureux de la vie, entretenait néanmoins une familiarité persistante avec la mort et avec Dieu. Le second arborait une énorme croix pectorale à faire entrer un pape en tentation et il n’a jamais renié sa religion même s’il n’était pas un parangon de pénitence et de piété. Leurs messes de funérailles ont été célébrées à Saint Louis des Invalides et à la Madeleine respectivement.
L’éloge de Philippe Labro devant le cercueil de Johnny dans l’église de la Madeleine, articulé autour de « la gloire » et de « la grâce », est un chef d’œuvre. On s’attendait à ce qu’il le termine par un « Amen ».
Tous deux ont déplacé les foules pour le dernier adieu. Une élite, mais en nombre plus contenu, pour Ormesson. Une foule populaire nombreuse, la larme à l’œil, avec la présence du show biz, et une parade pétaradante pour Haliday.
Une grande dignité a prévalu dans les deux cas, à la hauteur des trésors nationaux que représentent les deux disparus.
Les foules qui se sont rassemblées pour un dernier hommage représentaient-elles la France ? Pour ce qu’on en a vu, leur composition n’illustrait pas le fameux multiculturalisme fécond prôné par ceux de nos compatriotes qui sont à la pointe de la pensée. Egalement, les tranches d’âge élevées ont semblé sur-représentées. Académiciens chenus dans un cas, semblant se dire « à qui le tour ». Motards portant chevelure et  barbe argentées dans l’autre cas, dont le cuir clouté serre un peu la bedaine. On ne peut s’empêcher de rappeler ici, encore une fois, que Jean d’Ormesson, avec sa délectable autodérision, déplorait que de plus en plus de jeunes et jolies femmes - dont il ne détestait pas la compagnie -, ne trouvent rien de mieux à lui dire que « mon grand-père aime beaucoup vos livres ».
Ainsi va la vie.
Resteront le souvenir, les livres et les disques.

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