28 janvier 2020

Sûreté : Nicolas le boucher...reconverti chez Hermès

C'est une étonnante histoire vraie qui est rapportée dans ce qui suit.

La semaine dernière, le 22 janvier exactement, sur le coup de 14 heures, un monsieur âgé habitant le quartier des Prés à Versailles chemine rue du Maréchal de Lattre de Tassigny, sur le trottoir côté Clagny, en direction de Saint-Jean-d'Hulst.


Au croisement avec l'avenue de la Maye, il traverse celle-ci sur le passage piétons. Deux voitures attendent en file au feu rouge, donc sur sa droite. 


Notre quidam, qui ne sait pas encore ce que le destin lui réserve, a presque fini de traverser lorsqu'il entend la première voiture klaxonner pour attirer son attention. Bien que son éducation ne le prédispose pas à se faire klaxonner, il se retourne, curieux, et aperçoit le conducteur de cette voiture, qui a baissé la vitre de droite et lui fait de grands signes amicaux. 


"Alors, vous ne reconnaissez pas ? Nicolas. C'est moi Nicolas, le boucher. Comment va votre femme ?".


Le monsieur, qui, avec l'âge, a de plus en plus de mal à mettre un nom sur un visage, se comporte avec l'amabilité prudente qui s'impose pour ne pas vexer celui qui l'interpelle avec autant d'enthousiasme. Surtout qu'il s'agit d'un boucher qui dit connaître sa femme. Il faut respecter ces commerçants méritants.


"J'ai changé de métier. Je suis maintenant commercial chez Hermès. J'ai d'ailleurs un cadeau pour votre femme."


Mais le feu passe au vert et son véhicule doit avancer. Il se range alors à droite sur le passage piétons et dit "Montez, ce sera mieux, ici nous gênons le trafic. D'ailleurs j'ai mon stock dans un dépôt à trois cents mètres d'ici."


Le monsieur monte à bord, sans doute piqué par la curiosité ou la cupidité. "Mettez votre ceinture". Voilà quelqu'un qui respecte le code de la route. On est en confiance.


Quelques tours de roue plus loin, le monsieur déclare qu'il a malheureusement autre chose à faire. Nicolas s'arrête alors dans une rue calme du Chesnay et présente un petit écrin qui contient un cœur argenté couvert de brillants, avec une chaînette. L'écrin est très fatigué et son contenu est visiblement de la pacotille. "Voilà pour Madame. Vous savez que cette pièce est vendue 2800  euros Vous n'aurez qu'à m'inviter à prendre l'apéro chez vous". 


"Mais j'ai aussi quelque chose pour vous". Et il saisit sur le siège arrière un coffret, lui aussi très fatigué, contenant plusieurs merveilles : une montre, un stylo argenté, un porte-carte en cuir noir. "Regardez, c'est du Mont Blanc. Et admirez la qualité du cuir. Avez-vous une carte Vitale pour que je vous montre comment on la place dans le porte-carte ?".


"Il faut juste que je vous demande de me payer la TVA pour ces articles. C'est mon comptable qui l'exige. Vous avez bien un peu d'argent sur vous ?"


Dans un éclair de lucidité, bien tardif, le monsieur dit "Je ne suis pas intéressé. Au revoir." et sort du véhicule. 


Le monsieur s'en va, encore sous le coup de la sidération,  soudain conscient d'avoir été victime d'une tentative d'escroquerie et sans doute vexé d'avoir été aussi naïf.


Alors qu'il est pourtant instruit des bons comportements de sûreté, il omet de relever l'immatriculation du véhicule, il omet d'appeler immédiatement le 17, il ne pense pas prendre une photo du véhicule. 


Néanmoins, par un ces rebonds imprévus qui font le sel de la vie, l'affaire prendra une tournure toute autre que si elle s'était arrêtée à une fin de non recevoir au coup de klaxon initial.


Peu de temps après l'incident qui a duré au total trois minutes, le monsieur conte sa mésaventure à
un policier de sa connaissance, lequel, après en avoir bien ri, le convainc de déposer plainte pour que la police puisse agir. 

Grâce aux indications fournies, la voiture de l'escroc est repérée sur les caméras de vidéoprotection, ce qui permet la lecture de son immatriculation. 

La victime identifie l'escroc, qui n'en n'est pas à son coup d'essai, sur des photographies d'individus fichés. 

A chaque fois, et ce dans tout le pays et plusieurs fois par jour, il déploie le même stratagème en se présentant invariablement à ses proies, toujours des personnes âgées, comme "Nicolas le boucher". Il n'a encore jamais été pris. Mais, cette fois, il est plus que probable que son compte sera bon.





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