7 mai 2020

7 mai 1954 - chute de Dien Bien Phu - héroïques prostituées au chevet des blessés, oubliées de l'Histoire


Anniversaire de la chute de Dien Bien Phu le 7 mai 1954

« Si quelqu’un veut savoir pourquoi nous sommes morts, Dites-lui : parce que nos pères ont menti » (Rudyard Kipling).


Pour un rappel de certains tenants et aboutissants de cette issue tragique de la guerre d'Indochine et la contestation bien argumentée de poncifs persistants, on lira avec intérêt les quelques pages téléchargeables par le lien ci-dessous :



Mais le propos de cet article est d'évoquer la mémoire des femmes qui se sont illustrées dans cette tragédie.

Première référence féminine, les points d’appui du camp sont baptisés par le colonel de Castries de prénoms féminins : Béatrice, Huguette, Claudine, Gabrielle, Isabelle, Dominique, Anne-Marie. On dit que c’étaient les prénoms de ses maîtresses.

Commençons par Geneviève de Galard.


Née à Paris 17e en 1934, Geneviève de Galard Terraube obtient le diplôme d’Etat d’infirmière en 1950 et réussit le concours de convoyeuse de l’Armée de l’Air en 1950. Elle est affectée en Indochine en 1953, au cœur de la guerre contre le Viet Minh. A partir de 1954 elle participe aux évacuations de Dien Bien Phu depuis Hanoi.
Le 28 mars 1954, son avion du groupe de transport Béarn arrive vers 5 h 45 au-dessus de Dien Bien Phu. Le commandant tente d'atterrir sur la courte piste du camp retranché. L'atterrissage est trop long et le moteur gauche de l'avion est sérieusement endommagé. Les réparations ne pouvant s'effectuer sur place du fait des conditions inappropriées, l'avion est abandonné et, à l'aube, l'artillerie viêt minh le détruit ainsi que la piste.
Elle se porte alors volontaire pour servir comme infirmière dans l'hôpital de campagne commandé par le docteur Paul Grauwin et fait de son mieux dans des conditions sanitaires dérisoires, consolant les mourants et essayant d'entretenir le moral face aux pertes humaines montantes.
Les troupes françaises de Dien Bien Phu cessent le combat le 7 mai 1954 sur ordre du commandement militaire de Hanoï. Le Việt Minh autorise cependant Galard et le personnel médical à continuer les soins sur les blessés.
Le 24 mai 1954, Geneviève de Galard est évacuée à Hanoï.
 A son retour en France, elle est accueillie par une foule nombreuse à l'aéroport d'Orly, faisant la une de Paris Match.
Erigée en héroïne, on la surnommera « l’Ange de Dien Bien Phu ».
2014 : Grand-Croix de la Légion d’Honneur
2008 : Grand Officier de l’Ordre National du Mérite
1954 : Croix de guerre des Théâtres d’opérations extérieures
1954 : Medal of Freedom

La figure emblématique de Geneviève de Galard, dont la légende prétend à tort qu’elle était la seule femme du camp alors que d'autres convoyeuses de l’air y ont séjourné, écrase d’autres femmes dont il faut honorer la mémoire. Mémoire soigneusement occultée, et pas seulement par Paris-Match.

Il s’agit des prostituées des deux BMC (bordels militaires de campagne) du camp, l’un tenu par des « auxiliaires » annamites, l’autre par des « auxiliaires » maghrébines. Selon les rares témoignages, ces femmes ont, auprès des blessés entassés au fond des abris, dans la boue, le sang, la puanteur, les excréments, les gémissements, accompli avec dévouement les tâches les plus répugnantes. Elles ont tenu la main des soldats blessés qui pleuraient en appelant leur mère. Certaines ont aussi fait le coup de feu.

Ces femmes ont refusé d’être évacuées quand Castries le leur a proposé avant l’assaut. Après la reddition, elles ont subi les outrages, sévices et humiliations que réservent les vainqueurs aux femmes de l'ennemi surtout à celles accusées de trahison. Les Viets ont demandé aux Annamites de cracher sur le drapeau français et toutes, une trentaine, refusèrent, disant « Jamais, nous sommes des Françaises ! ». Elles furent alors tuées d’une balle dans la nuque.
Par conformisme, les « grands témoins » ont préféré taire l'existence de ces prostituées. Ces femmes ont toujours été escamotées. Toutes les héroïnes ne sont pas égales à la lumière du politiquement correct.
Ces héroïnes n’ont pas de nom, pas de médailles, ne sont jamais citées dans les discours, n’ont pas de monument, pas même une plaque commémorative. Elles sont pourtant des patriotes et des martyres. Elles sont toutes des Anges de Dien Bien Phu.
Quel président de la République osera leur rendre hommage ?
Quel pape osera les béatifier ? 

« Les prostituées vous devanceront dans le Royaume des Cieux » - Matthieu 21:31

Bilbliographie :
La guerre d'Indochine - Jacques Dalloz
Dien Bien Phu, les raisons d'une défaite - Marc Isabelle
Parachutistes en Indochine - Marie-Danielle Demélas
Dien Bien Phu, naissance et destin d'un mythe héroïque - Pierre Journoud
Dien Bien Phu, la fin d'un monde - Pierre Journoud
J'étais médecin à Dien Bien Phu - Paul Grauwin
A propos de la prostitution en période de guerre - interview de Mlle de Liancourt - Marie-Victoire Louis
Marie Casse-Croûte - Edouard Axelrad
Le repos des guerriers : les bordels militaires de campagne pendant la guerre d'Indochine - Jean-Marc Binot
Les Grandes Dames de Dien-Bien Phu - José Castano
Evangile selon Saint Matthieu


1 commentaire:

Michel Morgenthaler a dit…

Le commentaire de Marc isabelle est présenté sous forme d'article en date du 12/05/20