19 février 2022

L'avenir du nucléaire selon EDF

 

Aéroréfrigérant de centrale nucléaire © SITES

La filière nucléaire française

220 000 salariés, 3 200 entreprises, 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020 dont 10 milliards à l’exportation.

Fait unique dans le monde, cette filière couvre l’ensemble du cycle du nucléaire : de l’amont, avec Orano qui assure l’approvisionnement et l’enrichissement de l’uranium puis son retraitement en fin de cycle, Framatome qui fabrique en France les gros composants comme les cuves ou les générateurs de vapeur et les assemblages combustible, la conception, la construction puis l’exploitation et la déconstruction des centrales par le groupe EDF, appuyé par des compétences issues des entreprises de toute la filière, jusqu’à  la gestion long terme des déchets, avec l’Andra (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs). Sans oublier la recherche avec le CEA.

Lancer le programme de construction de 3 paires de réacteurs EPR2 en France, c’est assurer, pendant la phase construction, plus de 30 000 emplois et 7 000 emplois pendant la phase exploitation.

Cette filière est très complète et c’est sa grande force. Depuis 2018, elle est organisée au sein du Groupement des Industriels Français de l’Energie Nucléaire (GIFEN), qui coordonne et anime l’ensemble de ses actions.

Le parc nucléaire français

Avec 56 réacteurs en exploitation, répartis sur 18 sites nucléaires, la France dispose du parc nucléaire le plus important du monde en proportion de sa population. Chaque année, environ 400 TWh d’énergie nucléaire sont produits.

Le nucléaire s’est développé en France à partir de 1963. Après avoir testé la technologie graphite-gaz (1ère génération) en construisant neuf réacteurs de ce type, la France a décidé en 1968, pour des raisons techniques et économiques, de se tourner vers la filière à eau sous pression (2ème génération), conçue et développée par les Etats-Unis.

L’impact du choc pétrolier de 1973 a conduit le gouvernement Messmer à engager un programme de construction de 16 réacteurs de 900 Mégawatts électriques (MWe), suivi à partir de 1976, de 20 réacteurs supplémentaires de 1 300 MWe. Entre 1996 et 2000, 4 autres réacteurs de 1 450 MWe ont été mis en service, portant la puissance installée du parc à 63,2 GWe.

Un réacteur EPR (3ème génération) d’une puissance de 1 650 MWe - est actuellement en construction sur le site de la centrale de Flamanville.

D’autres sites nucléaires existent en France, mais ils ne produisent pas d’électricité. Il s’agit d’usines de fabrication de combustible pour les centrales, de centres de gestion des déchets radioactifs ou de centres de recherche exploitant des réacteurs expérimentaux.

Projet de 6 nouveaux EPR optimisés en France

Le projet EPR2 tel qu’EDF le réalise aujourd’hui vise à répondre à une demande dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) fin 2018.

La proposition d’EDF est de construire trois paires d’EPR2 avec une première paire sur le site de Penly, en Normandie, une deuxième sur celui de Gravelines, près de Dunkerque, dans les Hauts de France, et la troisième sur celui de Bugey ou de Tricastin, en Auvergne - Rhône-Alpes. La décision de lancement de ce programme et le choix définitif d’implantation de ces réacteurs appartient au pouvoir politique.

Un mix électrique composé d’énergies renouvelables et de nucléaire permettrait sans aucun doute d’aider à atteindre l’objectif zéro carbone que s’est fixé la France à l’horizon 2050.

Qu’est-ce que l’EPR2 ?

L’EPR optimisé ou EPR2 reprend le meilleur de la technologie EPR en intégrant des optimisations issues du retour d’expérience des EPR actuels, en construction ou en fonctionnement (Flamanville 3, en France, Taishan, en Chine, Hinkley Point C en Angleterre et Olkiluoto en Finlande).

Au moment où le chantier de Flamanville 3 a démarré, cela faisait pratiquement 20 ans qu'on n'avait pas démarré de chantier nucléaire en France, et la perte de compétence était réelle. C'est vrai qu'il y a eu une phase de réappropriation de la construction de ces chantiers nucléaires. Le dernier réacteur construit en France était celui de Civaux 2, dans la Vienne, et sa mise en service date de 1999, soit plus de dix ans avant le début du chantier de Flamanville 3. Entre le génie civil de Civaux 2 et celui de Flamanville 3, il y a eu plus de 20 ans.

Flamanville 3 a permis de reconstituer beaucoup de compétences, qui vont aujourd’hui être très utiles dans le cadre d’un programme de construction de trois paires d’EPR2.

L’EPR (European Pressurized Reactor) est un réacteur à eau pressurisée de 1 600 MW. Il a été développé pour être encore plus sûr et plus respectueux de l’environnement que les précédents réacteurs. L’EPR intègre tous les progrès récents en matière de sûreté, de réduction d’impact environnemental et de performance technique. A production électrique équivalente, il permet une utilisation plus efficace du combustible (-17 % de consommation de combustible par rapport aux réacteurs de 1 300 MW) et une production de déchets radioactifs réduite de 30 %.

A l’exportation, c’est la technologie EPR qu’EDF propose, en particulier aux pays en forte croissance. En effet, l’EPR est un réacteur de grande puissance : 1 650 MW. Il est adapté à des réseaux électriques solides dans des pays qui visent à limiter la consommation de foncier.

EDF développe également l’EPR 1200, un EPR de moyenne puissance (1200 MW), destiné aux pays aux contraintes de réseaux ou de source froide ne leur permettant pas d’accueillir des réacteurs de forte puissance ou qui souhaitent intégrer dans leur mix électrique de la production nucléaire tout en ayant des besoins électriques plus modestes. Ce modèle est par exemple destiné à l’appel d’offres émis actuellement par la République Tchèque.

Enfin, EDF et ses partenaires, au sein de Nuward, conçoivent actuellement un modèle de SMR (Small Modular Reactor) qui, à terme, serait une réponse adaptée pour des offres export dans des pays au réseau électrique limité, par exemple pour remplacer des centrales charbon de 300-400 MWe. EDF vise le lancement de la construction d’une centrale de référence en France à l’horizon 2030.

Focus sur les SMR

Le Small Modular Reactor (ou SMR) a vocation à répondre au marché en éclosion qui se concrétisera dans la décennie 2030 puisque nombre de pays émergents devront fermer leurs plus anciennes centrales à charbon ou fioul, afin de répondre aux objectifs de neutralité carbone. Conçus pour être fabriqués en usine de façon modulaire et standardisée, les SMR sont rapidement installables sur site.

Schéma de centrale Nuward type SMR © BOUYGUES TP


EDF, via le consortium français Nuward réunissant EDF, le CEA, TechnicAtome et Naval Group, a pour ambition de proposer à l’export un produit simple, sûr, performant et compétitif dans un segment de petite puissance.

Nuward serait construit par paire avec une turbine commune dans une centrale de 340 mégawatts (2 x 170 MW), pour viser le marché du remplacement dans les décennies 2030 et 2040 des centrales à base de fossiles  dans les pays qui voudront accélérer leur décarbonation. L'idée est de garder le même site, le même réseau électrique, le même accès à une rivière ou à la mer - indispensable pour le refroidissement d’une chaudière nucléaire - pour y connecter facilement un SMR.

Point sur les EPR dans le monde, en service et en construction 

Aujourd’hui, 3 réacteurs EPR sont déjà en fonctionnement dans le monde, en Chine et en Finlande.

Les deux EPR chinois ont été construits sur le site de Taishan dans le cadre d’un partenariat avec le groupe China General Nuclear Power Corporation (CGNPC), dont EDF détient 30 % des parts. Le premier des deux réacteurs a été mis en service le 29 juin 2018. L'unité n°1 fournit en moyenne 1 TWh par mois sur le réseau. La mise en service commerciale de Taishan 2 a eu lieu le 7 septembre 2019. Avec ces deux réacteurs, la centrale de Taishan peut produire jusqu’à 24 TWh d’électricité par an.

En Finlande, le réacteur nucléaire EPR d'Olkiluoto a quant à lui divergé tout récemment, le 20 décembre 2021. Après le démarrage du réacteur construit par le groupe français Areva, la production d'électricité débutera en janvier avec une puissance à environ 30%, avant une mise en service à pleine puissance en juin. Avec une capacité de production de 1 650 mégawatts, il doit fournir environ 15% de la consommation de la Finlande.

EPR Flamanville 3 © CYRILLE LALLEMENT


EPR Hinkley Point - pose du liner cup avec la plus grande grue du monde © EDF


Du côté des EPR en construction, il y a bien-sûr Flamanville 3, qui en est au stade des dernières finitions et dont le démarrage est prévu pour fin 2022. Et les deux EPR du site d’Hinkley Point au Royaume Uni, en phase de construction du génie-civil.

Autres projets à l’export 

Du côté de la Grande-Bretagne, EDF étudie deux nouveaux EPR à Sizewell dans le Suffolk,  venant s’ajouter aux deux EPR en cours de construction à Hinkley Point dans le Sommerset.

En parallèle une offre engageante a été remise pour construire six EPR en Inde, au sud de Mumbai. C’est le projet Jaitapur. En effet, l’Inde prévoit de se doter d’une capacité supplémentaire de 56 GW d’ici à 2040.

EDF a également remis il y a quelques mois une proposition en Pologne pour construire entre quatre et six EPR, et se prépare à répondre à un appel d’offre en République Tchèque.

Récemment, les Pays-Bas ont manifesté leur souhait de relancer le nucléaire, et d’autres prospects sont possibles en Europe de l’Est.

Sur le marché mondial du nucléaire, quelques grands pays disposent d’une filière industrielle capable de faire des offres à l’international. Dans ces pays, il y a bien-sûr la France. En face d’elle, on trouve la Russie, dont l’industrie nucléaire est déjà très active à l’export. Il y a aussi la Corée du Sud qui vient de mettre des réacteurs en service dans les Emirats Arabes Unis. La Chine et les Etats-Unis, notamment avec le modèle AP 1000 développé par Westinghouse, disposent également d’une filière nucléaire complète en support à leurs offres internationales.

On ne sait pas gérer les déchets nucléaires : info ou intox ?

Comme toute industrie, le nucléaire produit des déchets. Pour une partie, il s’agit de déchets dits conventionnels, mais ce qui interroge porte souvent sur la gestion des déchets radioactifs.

Pour donner un ordre de grandeur, l’électricité consommée par une personne en France pendant 50 ans représente 20 kg de déchets radioactifs. Dans ces 20 kg, 500 grammes sont des déchets dits à vie longue. L’ensemble des déchets radioactifs produit en France par les centrales nucléaires mais aussi par le milieu médical, par exemple, a une filière de traitement.

90% des déchets nucléaires produits par les centrales sont faiblement ou très faiblement radioactifs et tous ont des filières de traitement et de stockage. Le combustible usé à l’origine des déchets hautement radioactifs (ils concentrent à eux seuls 99,9% de la radioactivité) peut être recyclé à plus de 96%. Il peut notamment est transformé en combustible « MOX ». Aujourd’hui, 22 réacteurs du parc français sont autorisés à utiliser ce combustible recyclé et l’EPR2 serait, lui aussi, apte à l’utiliser.

La partie non-recyclable du combustible est quant à elle vitrifiée et entreposée à La Hague, près de Cherbourg, et a vocation à être stockée en profondeur dans le sol : c’est l’objet du projet Cigéo, conduit par l’Andra.

Source : revue TRAVAUX n°975 de janvier-février 2022 pages 16 à 23 "L'avenir du nucléaire n'a jamais été aussi prometteur" - entretien avec Gabriel Oblin directeur du projet EPR2 chez EDF. Le texte ci-dessus est constitué d'extraits arrangés de cette interview.

Voir également dans ce blog, sur le même thème mais sous des titres différents, les articles du 14 octobre 2021, 26 mai 2021, 24 août 2020, 20 juin 2020 et 23 février 2020.