Du 9 juin au 1er
novembre 2015, le britannique Anish Kapoor expose dans les jardins du château
de Versailles six œuvres monumentales. Il a défrayé la chronique à cause de
l’une d’elles intitulée « Dirty corner ».
Cette œuvre – les
cassandres diront cet « objet » ou cette « chose » - trône
sur le Tapis Vert. Elle a promptement
été rebaptisée « Le vagin de la Reine ». La trouvaille lexicale ne
provient évidemment pas du Harrap’s English-French
mais elle est le fruit de l’imagination délirante d’un boutonneux tardif,
victime d’obsessions maladives. On imagine les tourments qui hantent ce
malheureux chaque fois qu’il est en présence d’une forme tubulaire, par exemple quand il mange des macaronis ou lorsqu’il pénètre dans le métro. Toutefois le mot a porté et a fait
scandale.
Il n’est pas prouvé que
tous ceux qui ont cru devoir s’exprimer, le plus souvent pour jeter
l’anathème sur Anish Kapoor et sur Catherine Pégard, se soient déplacés pour voir. On juge mieux
avec du recul.
L’objet est une imposante
pièce de chaudronnerie en acier rouillé, présentant un entonnement en surface
gauche de belle facture technique, prolongé par un tube cylindrique en segments
boulonnés, sur lequel ont été déversés de manière volontairement désordonnée
des gros blocs et de la terre déjà envahie par les mauvaises herbes. On trouve parfois
ce genre de chose à l’abandon au fond des dépôts d’entreprises de travaux
publics. La métaphore gynécologique est incongrue.
Un chroniqueur habité par
le bon sens a estimé que, si l’objet avait été exposé sur un parking
d’hypermarché plutôt que sur le Tapis Vert du château de Versailles, personne
n’y aurait prêté attention.
Il n’empêche que les plus
grandes plumes ont rédigé des avis définitifs, où il est question de l’art, des
mœurs et du mercantilisme, à propos de cette production. En conséquence de cette publicité, l’auteur va certainement
voir sa cote décuplée. Entre temps, le Château aura enregistré un
million de visiteurs supplémentaires, ce qui engendre une recette bien utile à
l’entretien du patrimoine. Louis XIV et Molière doivent rire de tout cela dans leur
tombe.
O TEMPORA O MORES