Aéroréfrigérant de centrale nucléaire © SITES |
La filière nucléaire française
220 000 salariés, 3 200 entreprises, 50 milliards
d’euros de chiffre d’affaires en 2020 dont 10 milliards à l’exportation.
Fait unique dans le monde, cette filière couvre l’ensemble
du cycle du nucléaire : de l’amont, avec Orano qui assure l’approvisionnement
et l’enrichissement de l’uranium puis son retraitement en fin de cycle,
Framatome qui fabrique en France les gros composants comme les cuves ou les
générateurs de vapeur et les assemblages combustible, la conception, la
construction puis l’exploitation et la déconstruction des centrales par le groupe
EDF, appuyé par des compétences issues des entreprises de toute la filière,
jusqu’à la gestion long terme des
déchets, avec l’Andra (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs).
Sans oublier la recherche avec le CEA.
Lancer le programme de construction de 3 paires de réacteurs
EPR2 en France, c’est assurer, pendant la phase construction, plus de
30 000 emplois et 7 000 emplois pendant la phase exploitation.
Cette filière est très complète et c’est sa grande force. Depuis
2018, elle est organisée au sein du Groupement des Industriels Français de
l’Energie Nucléaire (GIFEN), qui coordonne et anime l’ensemble de ses actions.
Le parc nucléaire français
Avec 56 réacteurs en exploitation, répartis sur 18 sites
nucléaires, la France dispose du parc nucléaire le plus important du monde en
proportion de sa population. Chaque année, environ 400 TWh d’énergie nucléaire
sont produits.
Le nucléaire s’est développé en France à partir de 1963.
Après avoir testé la technologie graphite-gaz (1ère génération) en construisant
neuf réacteurs de ce type, la France a décidé en 1968, pour des raisons
techniques et économiques, de se tourner vers la filière à eau sous pression
(2ème génération), conçue et développée par les Etats-Unis.
L’impact du choc pétrolier de 1973 a conduit le gouvernement
Messmer à engager un programme de construction de 16 réacteurs de 900 Mégawatts
électriques (MWe), suivi à partir de 1976, de 20 réacteurs supplémentaires de 1
300 MWe. Entre 1996 et 2000, 4 autres réacteurs de 1 450 MWe ont été mis en
service, portant la puissance installée du parc à 63,2 GWe.
Un réacteur EPR (3ème génération) d’une puissance de 1 650
MWe - est actuellement en construction sur le site de la centrale de
Flamanville.
D’autres sites nucléaires existent en France, mais ils ne
produisent pas d’électricité. Il s’agit d’usines de fabrication de combustible
pour les centrales, de centres de gestion des déchets radioactifs ou de centres
de recherche exploitant des réacteurs expérimentaux.
Projet de 6 nouveaux EPR optimisés en France
Le projet EPR2 tel qu’EDF le réalise aujourd’hui vise à
répondre à une demande dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie
(PPE) fin 2018.
La proposition d’EDF est de construire trois paires d’EPR2 avec
une première paire sur le site de Penly, en Normandie, une deuxième sur celui de
Gravelines, près de Dunkerque, dans les Hauts de France, et la troisième sur celui
de Bugey ou de Tricastin, en Auvergne - Rhône-Alpes. La décision de lancement
de ce programme et le choix définitif d’implantation de ces réacteurs appartient
au pouvoir politique.
Un mix électrique composé d’énergies renouvelables et de
nucléaire permettrait sans aucun doute d’aider à atteindre l’objectif zéro
carbone que s’est fixé la France à l’horizon 2050.
Qu’est-ce que l’EPR2 ?
L’EPR optimisé ou EPR2 reprend le meilleur de la technologie
EPR en intégrant des optimisations issues du retour d’expérience des EPR
actuels, en construction ou en fonctionnement (Flamanville 3, en France,
Taishan, en Chine, Hinkley Point C en Angleterre et Olkiluoto en Finlande).
Au moment où le chantier de Flamanville 3 a démarré, cela
faisait pratiquement 20 ans qu'on n'avait pas démarré de chantier nucléaire en
France, et la perte de compétence était réelle. C'est vrai qu'il y a eu une
phase de réappropriation de la construction de ces chantiers nucléaires. Le
dernier réacteur construit en France était celui de Civaux 2, dans la Vienne,
et sa mise en service date de 1999, soit plus de dix ans avant le début du
chantier de Flamanville 3. Entre le génie civil de Civaux 2 et celui de Flamanville
3, il y a eu plus de 20 ans.
Flamanville 3 a permis de reconstituer beaucoup de
compétences, qui vont aujourd’hui être très utiles dans le cadre d’un programme
de construction de trois paires d’EPR2.
L’EPR (European Pressurized Reactor) est un réacteur à eau
pressurisée de 1 600 MW. Il a été développé pour être encore plus sûr et plus
respectueux de l’environnement que les précédents réacteurs. L’EPR intègre tous
les progrès récents en matière de sûreté, de réduction d’impact environnemental
et de performance technique. A production électrique équivalente, il permet une
utilisation plus efficace du combustible (-17 % de consommation de combustible
par rapport aux réacteurs de 1 300 MW) et une production de déchets radioactifs
réduite de 30 %.
A l’exportation, c’est la technologie EPR qu’EDF propose, en
particulier aux pays en forte croissance. En effet, l’EPR est un réacteur de grande
puissance : 1 650 MW. Il est adapté à des réseaux électriques solides
dans des pays qui visent à limiter la consommation de foncier.
EDF développe également l’EPR 1200, un EPR de moyenne
puissance (1200 MW), destiné aux pays aux contraintes de réseaux ou de source
froide ne leur permettant pas d’accueillir des réacteurs de forte puissance ou
qui souhaitent intégrer dans leur mix électrique de la production nucléaire
tout en ayant des besoins électriques plus modestes. Ce modèle est par exemple destiné
à l’appel d’offres émis actuellement par la République Tchèque.
Enfin, EDF et ses partenaires, au sein de Nuward, conçoivent
actuellement un modèle de SMR (Small Modular Reactor) qui, à terme, serait une
réponse adaptée pour des offres export dans des pays au réseau électrique
limité, par exemple pour remplacer des centrales charbon de 300-400 MWe. EDF
vise le lancement de la construction d’une centrale de référence en France à
l’horizon 2030.
Focus sur les SMR
Le Small Modular Reactor (ou SMR) a
vocation à répondre au marché en éclosion qui se concrétisera dans la décennie
2030 puisque nombre de pays émergents devront fermer leurs plus anciennes
centrales à charbon ou fioul, afin de répondre aux objectifs de neutralité carbone.
Conçus pour être
fabriqués en usine de façon modulaire et standardisée, les SMR sont rapidement
installables sur site.
Schéma de centrale Nuward type SMR © BOUYGUES TP |
EDF, via le consortium français
Nuward réunissant EDF, le CEA, TechnicAtome et Naval Group, a pour ambition de
proposer à l’export un produit simple, sûr, performant et compétitif dans un
segment de petite puissance.
Nuward serait construit par paire
avec une turbine commune dans une centrale de 340 mégawatts (2 x 170 MW), pour
viser le marché du remplacement dans les décennies 2030 et 2040 des centrales à
base de fossiles dans les pays qui
voudront accélérer leur décarbonation. L'idée est de garder le même site, le
même réseau électrique, le même accès à une rivière ou à la mer - indispensable
pour le refroidissement d’une chaudière nucléaire - pour y connecter facilement
un SMR.
Point sur les EPR dans le monde, en service et en construction
Aujourd’hui, 3 réacteurs EPR sont déjà en fonctionnement
dans le monde, en Chine et en Finlande.
Les deux EPR chinois ont été construits sur le site de
Taishan dans le cadre d’un partenariat avec le groupe China General Nuclear
Power Corporation (CGNPC), dont EDF détient 30 % des parts. Le premier des deux
réacteurs a été mis en service le 29 juin 2018. L'unité n°1 fournit en moyenne
1 TWh par mois sur le réseau. La mise en service commerciale de Taishan 2 a eu
lieu le 7 septembre 2019. Avec ces deux réacteurs, la centrale de Taishan peut
produire jusqu’à 24 TWh d’électricité par an.
En Finlande, le réacteur nucléaire EPR d'Olkiluoto a quant à
lui divergé tout récemment, le 20 décembre 2021. Après le démarrage du
réacteur construit par le groupe français Areva, la production d'électricité débutera
en janvier avec une puissance à environ 30%, avant une mise en service à pleine
puissance en juin. Avec une capacité de production de 1 650 mégawatts, il doit
fournir environ 15% de la consommation de la Finlande.
EPR Flamanville 3 © CYRILLE LALLEMENT |
EPR Hinkley Point - pose du liner cup avec la plus grande grue du monde © EDF |
Du côté des EPR en construction, il y a bien-sûr Flamanville
3, qui en est au stade des dernières finitions et dont le démarrage est prévu
pour fin 2022. Et les deux EPR du site d’Hinkley Point au Royaume Uni, en phase
de construction du génie-civil.
Autres projets à l’export
Du côté de la Grande-Bretagne, EDF étudie deux nouveaux EPR à
Sizewell dans le Suffolk, venant s’ajouter
aux deux EPR en cours de construction à Hinkley Point dans le Sommerset.
En parallèle une offre engageante a été remise pour
construire six EPR en Inde, au sud de Mumbai. C’est le projet Jaitapur. En
effet, l’Inde prévoit de se doter d’une capacité supplémentaire de 56 GW d’ici
à 2040.
EDF a également remis il y a quelques mois une proposition
en Pologne pour construire entre quatre et six EPR, et se prépare à répondre à
un appel d’offre en République Tchèque.
Récemment, les Pays-Bas ont manifesté leur souhait de
relancer le nucléaire, et d’autres prospects sont possibles en Europe de l’Est.
Sur le marché mondial du nucléaire, quelques grands pays
disposent d’une filière industrielle capable de faire des offres à
l’international. Dans ces pays, il y a bien-sûr la France. En face d’elle, on
trouve la Russie, dont l’industrie nucléaire est déjà très active à l’export.
Il y a aussi la Corée du Sud qui vient de mettre des réacteurs en service dans
les Emirats Arabes Unis. La Chine et les Etats-Unis, notamment avec le modèle
AP 1000 développé par Westinghouse, disposent également d’une filière nucléaire
complète en support à leurs offres internationales.
On ne sait pas gérer les déchets nucléaires : info
ou intox ?
Comme toute industrie, le nucléaire produit des déchets. Pour
une partie, il s’agit de déchets dits conventionnels, mais ce qui interroge porte
souvent sur la gestion des déchets radioactifs.
Pour donner un ordre de grandeur, l’électricité consommée
par une personne en France pendant 50 ans représente 20 kg de déchets
radioactifs. Dans ces 20 kg, 500 grammes sont des déchets dits à vie longue.
L’ensemble des déchets radioactifs produit en France par les centrales
nucléaires mais aussi par le milieu médical, par exemple, a une filière de
traitement.
90% des déchets nucléaires produits par les centrales sont faiblement
ou très faiblement radioactifs et tous ont des filières de traitement et de
stockage. Le combustible usé à l’origine des déchets hautement radioactifs (ils
concentrent à eux seuls 99,9% de la radioactivité) peut être recyclé à plus de
96%. Il peut notamment est transformé en combustible « MOX ». Aujourd’hui,
22 réacteurs du parc français sont autorisés à utiliser ce combustible recyclé
et l’EPR2 serait, lui aussi, apte à l’utiliser.
La partie non-recyclable du combustible est quant à elle
vitrifiée et entreposée à La Hague, près de Cherbourg, et a vocation à être
stockée en profondeur dans le sol : c’est l’objet du projet Cigéo, conduit
par l’Andra.
Source : revue TRAVAUX n°975 de janvier-février 2022 pages 16 à 23 "L'avenir du nucléaire n'a jamais été aussi prometteur" - entretien avec Gabriel Oblin directeur du projet EPR2 chez EDF. Le texte ci-dessus est constitué d'extraits arrangés de cette interview.
Voir également dans ce blog, sur le même thème mais sous des titres différents, les articles du 14 octobre 2021, 26 mai 2021, 24 août 2020, 20 juin 2020 et 23 février 2020.
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