Nid de poule consécutif à orniérage et fissuration suivis d'arrachements. |
L'observation suivante a été formulée dans différentes instances où siègent des représentants de l'autorité : "il est vain de produire des arrêtés municipaux qui ne produisent aucun effet parce que leurs prescriptions ne donnent lieu à aucun contrôle et donc à aucune sanction".
Le cas d'espèce considéré était la limitation du tonnage des poids lourds circulant dans Versailles au regard de la durée de vie des chaussées.
Rappel réglementaire
La circulation dans la commune de Versailles est interdite aux véhicules d'un poids total en charge supérieur à 10 tonnes (sauf quelques exceptions de bon sens) aux termes d'un arrêté municipal du 25 février 1971 signé André Mignot sénateur-maire de Versailles.
Les sollicitations répétées sur un matériau provoquent un phénomène dit "de fatigue" pouvant conduire à sa rupture. Les principaux facteurs de fatigue sont 1) la charge ou la déformation imposée et 2) le nombre de cycles.
Une chaussée souple moderne est un multicouche comportant des enrobés bitumineux, matériau cohérent pouvant supporter des contraintes de cisaillement et de traction. Sous l'effet de l'application d'une charge en surface (une roue de véhicule par exemple), le multicouche se déforme en cuvette et des tractions par flexion se développent à la base de chaque couche, constituant la principale cause de la fatigue. Si la charge est trop forte on sort du domaine élastique et on atteint la rupture avec déformation plastique irréversible.
La durée de vie d'une chaussée souple est ainsi de quelques années tandis que pour les ouvrages d'art en béton elle est de l'ordre d'une centaine d'années. La recherche d'une méthode rationnelle de dimensionnement pour ces ouvrages à vie courte que sont les chaussées s'est imposée dans l'entre deux guerres. Des essais empiriques de fatigue sur piste et sur manège sont notés en France (Vincennes) dès 1931.
manège de fatigue © UGE |
Aux USA ont été menés les fameux essais de très grande ampleur WASHO (1952) et AASHO (1958) pour un coût de 30 millions de dollars. La recherche française s'en inspirera et les améliorera. En 1957 Jeuffroy et Bachelez produisent leurs fameux abaques de dimensionnement. En tenant compte notamment de la charge par essieu, de la configuration du train roulant, du trafic et de la constitution de la chaussée on détermine la durée de vie (ou inversement).
D'autres approches existent par des essais en laboratoire sur éprouvette et par des calculs de mécanique des milieux continus composites.
Les chaussées ne sont pas seulement des rues et des routes, mais aussi des plateformes industrielles, des aérodromes et des assises de voies ferrées.
La pathologie des chaussées distingue diverses dégradations : faïençage, fissuration, arrachement, pompage, orniérage, etc. Dès les premiers dommages, la dégradation s'accélère.
On retiendra comme ordre de grandeur que 1 passage d'un poids lourd peut être aussi destructeur que 100 000 passages d'une voiture particulière.
La limitation du tonnage des poids lourds protège le patrimoine
En France le poids total en charge est plafonné à 44 t et la charge par essieu à 13 t, avec réduction en cas d'essieux rapprochés. De nombreuses limitations plus sévères existent localement. C'est évidemment le nombre d'essieux d'un poids lourd et la charge de chacun d'entre eux qui détermine la sollicitation de la chaussée dont dépend sa durée de vie. Néanmoins, les limitations sont chiffrées en poids total, parce que c'est plus commode à appréhender et aussi parce que le poids total est pertinent pour imposer une limite sur un pont.
Conclusion : pour une bonne gestion de l'argent public il faut limiter le tonnage des poids lourds, donc le contrôler et sanctionner les infractions.
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